Oralité et troubles alimentaires

1, Juin 2022

Mon enfant ne veut pas manger, ou il est si difficile

toucher, croquer, déguster…

L’oralité

Le mot « oralité » dérive du mot « oral » qui est relatif à tout ce qui concerne la bouche. L’oralité désigne l’ensemble des fonctions orales se rapportant à̀ la survie et à la communication : l’alimentation, la ventilation, le cri, l’exploration tactile et gustative et le langage. Elle débute dès le 3ème mois de grossesse.

Cet article est consacré aux difficultés d’alimentation chez l’enfant: à l’oralité alimentaire pédiatrique. Nous parlerons de l’oralité avec la respiration et la parole dans un autre article, et des difficultés chez l’adulte encore plus tard.

Il arrive que des enfants ne mangent pas volontiers, parfois ils détournent la tête, parfois ils recrachent, parfois ils ne mangent que certains aliments… Et l’adulte a beau tout essayer : changer les présentations (le visuel), mouliner de plus en plus fin ou laisser en morceaux craquants (texture), cacher les légumes dans des tartes (modifier les gouts)… rein ni  fait : manger reste difficile…

Alors que se passe-t-il ? pourquoi ? que faire ? et la diversification, est-ce finalement si important ?

Quand ça se passe bien : prendre des repères

Par exemple dans les sociétés traditionnelles : Les enfants qui sont au sein, à un moment (entre 9 mois et 3 ans !) s’intéressent aux aliments que les parents mettent à la bouche et veulent eux aussi croquer, sucer, gouter. Pendant quelques temps, ils mangent un peu dans l’assiette de leur parent et retournent téter, et peu à peu ils quittent les genoux de maman, ils s’asseyent autour du plat et mangent comme les grands, d’abord avec les mains puis avec des outils.

Et quand ça se passe moins bien ? Il y a plusieurs enjeux :

une histoire déjà particulière :

1. L’enfant est né avec « une histoire » et il a bénéficié d’une alimentation artificielle précoce (prématuré, chirurgie dès la naissance, etc.) Alors il rencontre des difficultés liées à la douleur, à son expérience corporelle, etc. et les soins et les précautions à prendre font partie de la suite de son suivi médical.
2. L’enfant est né de façon « tranquille » et dès la première mise au sein, il montre des difficultés de succion, d’ouverture de bouche, un refus de s’alimenter . La première recherche à faire est d’ éliminer les difficultés physiques :
dans le ventre de la maman et lors de à l’accouchement , des tensions / torsions de la tête ou de la mâchoire ou de la colonne peuvent entraver la succion te la déglutition, un ostéopathe sera donc un relais précoce incontournable, dès l’accouchement ! /

  1. des difficultés peuvent apparaitre après des traumatismes : après une sonde, un accident, une chute, une maladie :
  2. ensuite la recherche médicale explorera les difficultés liées à une pathologie digestive ;des allergies, une malformation , un fonctionnement différent dans les tissus de la digestion (au niveau des muscles, des tissus, des nerfs qui commandent la digestion, des nerfs qui commandent les sensations),
  3. les médecins s’intéresseront aux malformations d’origine centrale, c’est-à-dire aux malformations du cerveau et des nerfs qui s’y connectent : recherches d’Encéphalopathies congénitales ou acquises
  4. enfin il y a les causes d’origine sensorielle : les enfants sont « câblés » différemment et ils ressentent comme une douleur ce qui est pour nous juste une sensation : soit ils reçoivent les informations différemment et les décodent de façon « inadaptée » (le sucré est comme du brûlant pour nous), soit ils ne répondent pas de façon adaptée à la sensation : par exemple la faim déclenche la colère et du coup ils ne peuvent plus apprécier les aliments…
  5. et les causes relationnelles : quand il y a un manque de dimension relationnelle et affective autour du repas.

caprice, manque éducatif  ou trouble ???

les troubles de l’oralité sont souvent liés à des difficultés de sensorialité dans tout le corps :

  • les enfants mettent peu d’objet en bouche, Absence d’exploration orale chez le tout-petit (0-24 mois) ;
  • Introduction difficile des premiers aliments (persiste au-delà de 8 mois) ;
  • L’enfant n’accepte que des textures lisses (au-delà de 16 mois) ;
  • Fréquents haut-le-cœur, vomissements
  • Réflexe nauséeux important, avancé sur la langue
  • Répertoire alimentaire < 20 aliments (à 18 mois) ;
  • L’enfant ne prend aucun plaisir à s’alimenter ;
  • les repas durent plus d’ 1/2 heure ;
  •  L’enfant garde la nourriture longtemps dans la bouche sans l’avaler : il rumine et finit souvent par cracher une boulette,
  • L’enfant présente des « aversions sélectives » (aliment, texture, odeur, température…) ;
  • Le repas est devenu un moment de conflit et de négociations permanentes.

De plus, ces signes sont à compléter par des observations en dehors des repas :

  • Hypersensibilité/Hyposensibilité de la sphère oro-faciale ;les enfants ne supportent pas qu’on leur lave les cheveux, ils refusent de se brosser les dents, ils crient quand on leur essuie le visage et se cabrent…
  • Hypersensibilité des mains, des pieds ; ils ne touchent pas le sable, les gants de vaisselle, la boue, la peinture à doigt,
  • Haut-le-cœur, vomissements, nausées en dehors des repas ;
  • Anomalie des praxies bucco-faciales (mimiques, articulation, langage) : par exemple des enfants de 3 ans qui ne savent pas faire de grimaces, ni imiter le bruit des animaux,

faire le point!

Rien ne remplacera un bilan effectué par un professionnel qualifié, et déjà il y a des questions à se poser qui permettraient de savoir s’il est nécessaire d’aller consulter :

Selon moi, il est nécessaire de réaliser un bilan d’oralité si l’enfant ne respire que par la bouche, s’ il ne dit pas de sons vers 3 mois et dès que les repas sont difficiles. Le bilan pourra ainsi orienter vers une prise en charge ou non.

Si les troubles de l’oralité sont diagnostiqués tôt, les parents/adultes sont moins démunis face à leurs difficultés, ils se sentent plus compris, accompagnés, peuvent mettre des mots sur ce qu’ils ressentent. Cela permet aussi d’éviter que le forçage au repas s’installe, et que le climat familial à ce moment-là soit plus paisible.

Et plus la prise en charge est précoce, plus les progrès sont importants et « rapides ».

Comment ça se passe chez l’orthophoniste ?

L’orthophoniste va vous accueillir et faire avec vous la chronologie de l’histoire de votre enfant (anamnèse), pour repérer ensemble s’il s’agit d’une difficulté première ou secondaire, si elle  est liée à un trouble sensoriel global, si le développement moteur et tonique est homogène, vous verrez ensemble comment se sont passés les essais alimentaires, les gestes, l’installation des repas, la déglutition, la mastication, la mise en bouche, les conditions olfactives,

Ensuite elle fera une évaluation clinique avec votre enfant, sur tous les aspects : sa sensorialité, ses centres d’intérêt, ses canaux de communication, ce qui est facile pour lui et ce qui est plus délicat, sa mastication et sa déglutition,

Enfin elle vous fera des propositions d’accompagnement : pour vous parents, et pour votre enfant, ainsi que pour les personnes qui s’occupent de votre petit : la nounou, la crèche, les grands-parents…

Pour en savoir plus autour de l’oralité et de l’alimentation:

quelques sites :

https://formathon.fr/Formathon/463/troubles-de-l-oralite-alimentaire-chez-l-enfant

https://www.handirect.fr/troubles-de-loralite/

https://maladiesdigestives-robertdebre.aphp.fr/troubles-oralite/

https://www.lamaisondesmaternelles.fr/article/comprendre-les-troubles-de-l-oralite-chez-l-enfant

quelques thèses de médecine :

thèse de Mme DI PACO  DE 2020 : revue de littérature

la page 68 parle des hypersensibilités et de ses différents stades

thèse de Mme DARESSE  de 2018 : interview de professionnels intervenant autour des troubles de l’oralité alimentaire :

la page 18 précise les premiers signes d’alerte lors de l’alimentation lactée avant 4 mois

la thèse très complète de Mme KNOLL  de 2014, précisant les étapes, la complexité des enjeux, et une plaquette intéressante p96 résumant les enjeux

des livres de référence :

 précis d’audiophonologie et de déglutition : les voies aéro-digestives supérieures, Pavel DULGUEROV et Marc REMACLE , éditions Solal

Rééducation des troubles de l’oralité et de la déglutition , Catherine SENEZ , Editeur De Boeck supérieur

Orthophonie et oralité , La sphère oro-faciale de l’enfant Catherine THIBAULT ; Editeur : Elsevier Masson

Le troubles alimentaires pédiatriques : qu’est-ce que c’est ?

Par Lauriane Barreau-Drouin et Lucie Briatte ; Edition Tom Pousse

d’autres pistes :

https://oralite-alimentaire.fr/livres-sur-loralite

A lire avec les enfants

Les repas de Bibou de Helen Grignon-MacInnes, imprimé à la demande : https://www.thebookedition.com/fr/les-repas-de-bibou-p-373802.html#summary

Pour aller plus loin

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